L’utilisation du BIM n’est pas homogène d’un pays à l’autre ! Alors que la Grande-Bretagne a choisi un mode contraignant, notamment par un recours obligatoire des entreprises au BIM pour tous les contrats publics d’Etat ; la France a choisi la voie de l’incitation et de la pédagogie. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises l’utilisent sur notre territoire.
Alors que certains traduisent BIM par Building Information Modelling, le CSTB a choisi d’utiliser la définition plus large de Building Information Management, afin de faire référence à une nouvelle façon de gérer l’information grâce aux technologies de nouvelle génération, qui permet d’améliorer la qualité et la performance du bâtiment : de sa conception à sa maintenance. Si le BIM n’est pas nouveau, la rapidité de son expansion fait évoluer les marchés et leurs pratiques.
En France, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), établissement public au service de l’innovation dans le bâtiment, répond aux enjeux des transitions énergétique et numérique dans le monde de la construction ; il garantit la qualité et la sécurité des bâtiments, et favorise la diffusion de l’innovation auprès des professionnels. Riche d’une équipe pluridisciplinaire de plus de 900 collaborateurs, il exerce ses activités au sein d’un champ de compétences qui couvre les produits de construction, les bâtiments et leur intégration dans le quartier et la ville. Zoom sur les missions de cet organisme de référence, qui accompagne la transition numérique des acteurs de la construction et l’urbain autour du BIM multi-échelles. Entretien avec Souheil Soubra, directeur des Technologies de l’Information au CSTB.
Le BIM : à tous les niveaux d’un projet
Le BIM intervient aux trois échelles d’un projet : le composant, le bâtiment et la ville. « Nous devons garder à l’esprit que les produits assemblés servent à créer le bâtiment, et que l’ouvrage lui-même s’insère dans un environnement ». Aussi, le BIM intervient à toutes les phases d’un projet et concerne aujourd’hui tous les acteurs du marché, PME et TPE incluses. Les évolutions tendent à démocratiser son utilisation. « Le marché du bâtiment est fortement segmenté. Des grandes multinationales aux entrepreneurs locaux, il s’agit d’explorer des pistes méthodologiques et techniques pour accroître la qualité des ouvrages, de partager une culture commune autour du langage BIM et d’optimiser l’accès à des technologies porteuses de sens et de rentabilité. Nous savons que la qualité finale d’un ouvrage dépend du maillon le plus faible de la chaîne. L’Etat a clairement affirmé son ambition de permettre à l’ensemble de la filière, et en particulier les TPE/PME, de s’approprier la transition numérique. Le CSTB, établissement public de l’Etat est pleinement investi dans la mise en œuvre opérationnelle de cette volonté politique. A titre d’exemple, il existe déjà des solutions Cloud disponibles pour les artisans »
Développer les plateformes collaboratives
« Aujourd’hui, l’Etat, dans le cadre du Plan Transition numérique dans le Bâtiment (PTNB), a demandé que le CSTB développe une plateforme collaborative qui permet à l’ensemble des acteurs de mieux travailler ensemble dès le début d’un projet. Cette plateforme publique et gratuite, en phase d’expérimentation à grande échelle depuis novembre 2017, est mise à la disposition de tous les professionnels de la filière construction, tout particulièrement les TPE, PME et artisans, afin de les inciter à prendre le virage de la transition numérique. Concrètement, chaque professionnel peut, à distance, recueillir les informations qui sont nécessaires à la réalisation de sa mission et être informé en temps réel de l’ensemble des évolutions et modifications qui pourraient l’impacter au fil du projet. L’intérêt du BIM est précisément de spécifier les règles de gestion, les droits de chacun et les formats de l’information pour qu’elle soit fiable et s’enrichisse progressivement de manière cohérente et pérenne. Côté connexion, il existe des solutions techniques pour obtenir un accès « off-line » à travers des options de synchronisation, avant de se rendre sur le chantier ».
Pour quel type de projet ? « Qu’il s’agisse de la construction ou de la rénovation de logements collectifs, d’immobilier tertiaire ou de monuments prestigieux, le BIM apporte – selon les informations détenues à ce jour – la réalisation d’économies significatives, de l’ordre de 10 à 15%, d’après des retours d’expérience réalisés en Angleterre. Il y a également un gain d’efficacité et des bénéfices sociétaux et environnementaux, notamment grâce à une utilisation plus efficace des ressources naturelles et à une diminution des déchets. Dans le cadre du BIM d’Or 2017 par exemple, ont été soumis des dossiers concernant des projets de toutes tailles, inférieurs à 5000m2 et même supérieurs à 40000m2, de la construction de logements à la réhabilitation d’un stade nautique… ».
Le CSTB, tiers de confiance dans l’innovation BIM
« Nos travaux de recherche et d’expertise portent sur la thématique du BIM depuis plusieurs années au sein même du CSTB ; nous avons bien conscience depuis le début des années 2000 que la transition numérique va transformer le secteur de la construction. Notre rôle est d’accompagner les acteurs du secteur dans cette évolution majeure. Les pouvoirs publics ont souhaité mettre en place un plan dédié à la transition numérique des métiers du bâtiment et nous a confié des projets dans ce cadre (cf. plus haut, développement de la plateforme collaborative). Depuis toujours, nous préconisons et soutenons le développement de solutions dans des formats standards openBIM pour garantir leur accès à tous les acteurs, notamment les TPE/PME, et la communication entre ces acteurs, quel que soit le logiciel métier utilisé.Chaque entreprise, selon le marché qu’elle adresse, doit développer sa propre stratégie et organiser sa propre démarche autour du BIM. Le CSTB peut lui apporter son soutien à travers des actions d’AMO (assistance à maîtrise d’ouvrage) ou des missions d’expertise : études spécifiques, accompagnement dans un déploiement BIM adapté à son métier et à son parc logiciel, suivi de projet 100% BIM. Nous travaillons déjà en ce sens, avec plusieurs aménageurs et maîtres d’ouvrage pour adapter le BIM à leur activité, qu’il s’agisse de l’aménagement de quartiers urbains ou de construction-rénovation de bâtiments (hôpitaux, universités, écoles, logements…) en BIM. Nous soutenons aussi toute la filière – bureaux d’étude, bureaux de contrôle, industriels, TPE/PME, etc – autour de solutions métiers interopérables en BIM ». En effet, nous sommes convaincus que c’est par la diffusion sur tout le territoire national de telles expérimentations que nous lutterons le plus efficacement pour éviter la fracture numérique au niveau national.
La formation, outil clé au service de la transition numérique
L’une des missions du CSTB est bien de sensibiliser et former les professionnels du bâtiment. « Parler des outils n’est qu’une facette du sujet ; les professionnels doivent avant tout s’approprier le sujet, développer leur stratégie et être formés à une utilisation autonome ». Afin d’accompagner les professionnels dans la transition numérique, outre son offre d’expertise et de prestations technologiques, le CSTB a mis en place un programme complet de formations sur l’intégration du BIM et sa mise en œuvre dans des projets de conception, de rénovation ou d’exploitation. Ces stages, dont certains sont diplômants, permettent d’appréhender les impacts du BIM dans son activité et de se positionner ainsi sur de nouveaux marchés. Au début de l’année 2017, le CSTB a également inauguré la salle Oscar Niemeyer, à Paris. Cet espace de simulation virtuelle et interactive est mis à disposition de tous les professionnels. « Nous avons besoin de sensibiliser les acteurs au BIM. Dotée d’un grand écran et d’un système acoustique immersif, la salle Oscar Niemeyer offre un expérience sensorielle originale. Elle accueille aussi bien des formations pédagogiques sur le BIM que des rendez-vous client pour la promotion de projets BIM et 3D. Elle est également adaptée au travail collaboratif, grâce à des solutions de pointe dédiées au partage d’informations in situ et à distance ».
Le CSTB, incubateur de start-up
Dans un contexte en perpétuel mouvement, pour soutenir le développement de nouvelles solutions, le CSTB a implanté dans ses locaux parisiens, le CSTB'Lab, un incubateur qui s’adresse aux start-up innovantes. « Ces start-up bénéficient ainsi d’un environnement scientifique et technique dédié qui favorise l’innovation de produits et de services à forte valeur ajoutée pour le secteur de la construction ». Ainsi, le CSTB'Lab constitue un écosystème d’accompagnement de jeunes entreprises où toutes les dimensions nécessaires à la réussite d’un projet : humaines, techniques, scientifiques et marketing, sont disponibles.Lancé en partenariat avec IMPULSE LAB, le CSTB’Lab a déjà sélectionné 6 premières start-up porteuses de projets dans le domaine Bâtiment & Numérique ; des espaces sont encore disponibles au sein de l’incubateur du XVIème arrondissement pour en accueillir de nouvelles… Seve Up développe un projet d’intégration simple du BIM dans la gestion de patrimoine ; Snapkin a un projet de réalisation automatique de modèles 2D/3D, à partir de nuages de points ; Levels3D mise sur une application capable de réaliser une capture automatique de l’intérieur d’un bâtiment via un smartphone ; Lutecium souhaite mettre en place son projet de sécurisation et fiabilisation des échanges BIM avec BIMChain ; XtreeE a un projet d’implémentation de l’impression 3D grande dimension, dédiée à la réalisation d’éléments constructifs incorporant des technologies de pointe ; le projet B²R+ de Syscobat concerne un système constructif hybride bois/béton, bio sourcé et bas carbone. Fort de cette première promotion, le CSTB’Lab sélectionnera, au 1er trimestre 2018, de nouvelles start-up innovantes, porteuses de projets-clés pour la construction.
De la R&D au CSTBLe numérique, domaine qui évolue très vite, est essentiel au CSTB pour préparer l’avenir. « Nous avons plusieurs axes de travail, notamment l’étude du lien entre l’intelligence artificielle et le BIM. Nous avons déjà de premières applications en prototype. Lier l’intelligence artificielle et le BIM pourra par exemple permettre à un maître d’ouvrage de vérifier si les règles expertes sont bien respectées, eu égard à la règlementation dans l’acoustique, la sécurité incendie ou les performances environnementales… Ce même dispositif pourrait aussi être étendu aux projets urbains pour vérifier leur respect des documents d’urbanisme. Les règlementations étant de plus en plus complexes et difficiles à appliquer, nous pensons que l’alliance du numérique et de l’intelligence artificielle peut faciliter l’application de ces règlementations sans les rendre moins ambitieuses. Un autre axe concerne la numérisation intelligente du territoire existant en utilisant des drones permettant de réduire les délais et les coûts d’acquisition. A partir de la modélisation 3D du territoire, le CSTB a développé des techniques de sémantisation automatique qui permettent in fine d’obtenir un socle numérique BIM renseigné du patrimoine urbain. Le rendre interopérable avec des outils de calcul et de simulation dans les domaines de l’énergie, de l’environnement ou de la qualité de l’air, facilitera le développement de projets performants. Ainsi, ce couplage du BIM et des technologies émergentes offrira des simulations encore plus précises, pour une évaluation renforcée des projets très en amont ; les choix pourront donc être faits en toute connaissance de cause ».
Le CSTB en 8 chiffres clés
906 : collaborateurs
5 : activités au CSTB (Recherche et Expertise, évaluation, Certification, Essais, Diffusion des connaissances)
4 : établissements en France (Marne-la-Vallée, Nantes, Grenoble, Sophia Antipolis)
104.7 millions d’euros : c’est le produit d’exploitation du CSTB (hors filiales)
33 800 utilisateurs abonnés aux services d’information technico-réglementaires
18 833 heures de formation
131 ouvrages disponibles
+20 logiciels de calcul et de simulation
*Chiffres 2016