Malgré les efforts de l’ensemble des acteurs économiques, les disparités territoriales et la complexité administrative freinent encore l’essor de solutions d’énergie renouvelable adaptées aux enjeux de notre époque. L’entreprise française Ferme Solaire compte bien changer la donne à travers l’identification et l’optimisation des sites propices aux énergies renouvelables ! Focus.
Informations Entreprise : Quelles sont, selon vous, les évolutions récentes qui favorisent la cohabitation entre fermes solaires et activités agricoles ?
Hortense Foillard (Directrice du développement de Ferme Solaire) : Nous saluons les initiatives de grands développeurs historiques qui ont expérimenté des modes de cohabitation “PV-compatibles” sur terres agricoles.
Traditionnellement, cette cohabitation se limitait aux ovins, dont le pâturage est conciliable avec une centrale solaire. Il est désormais envisageable de faire cohabiter les structures avec des animaux plus grands, tels que les bovins et les chevaux, ainsi qu’avec diverses cultures (céréales, vignes, petit maraîchage…) quel que soit l’ombrage qu’elles nécessitent.
Ces évolutions technologiques permettent de déployer différentes formes de cohabitation sans nuire à la vocation agricole des terrains. Ce sont des signaux positifs pour le développement de l’agrivoltaïsme. L’objectif n’est pas simplement de placer quelques moutons sous les panneaux solaires, mais de donner un véritable sens à cette coexistence. Ces initiatives vont indéniablement dans la bonne direction pour le futur de l’énergie renouvelable et de l’agriculture. L’agrivoltaïsme constitue un fort levier pour pérenniser des exploitations en difficulté - tant au travers des revenus engendrés par la location du site que par les bienfaits apportés directement à la performance agronomique du terrain. C’est pertinent pour ce secteur confronté à une forte crise économique et climatique.
I.E : Comment expliquez-vous les obstacles rencontrés dans la mise en oeuvre des projets de fermes solaires, malgré une réglementation nationale favorable ?
Hortense Foillard : Les disparités territoriales en termes d’acceptabilité constituent un immense défi pour la création de fermes solaires. En effet, chaque projet est soumis à l’appréciation des acteurs locaux. C’est particulièrement le cas des projets dits “agrivoltaïques” encadrés par un décret depuis 2024. Ainsi, un terrain peut être jugé approprié par le maire mais rencontrer des blocages à l’échelle départementale ou de la chambre d’agriculture, là où un terrain similaire serait accepté ailleurs. Un terrain agricole, bien qu’étant une propriété privée, ne peut être utilisé à discrétion totale par ses propriétaires. Grâce à notre ancrage local, aux relations entretenues avec les élus et les propriétaires fonciers, et à notre compréhension des enjeux nous simplifions en amont cette essentielle synchronisation des parties prenantes. De plus, en interne, nous avons développé une technologie pour accélérer l’analyse des enjeux et compresser certains délais.
Un autre problème majeur est la lenteur administrative et la saturation des services d’instruction des projets. Nous avons tenté de développer de petites centrales solaires pour contourner cette inertie, notamment en profitant des simplifications administratives pour des installations au sol de 999 kilowatt-crête. Cette solution de micro- centrales permet aux acteurs désireux d’aller rapidement à la phase d’exploitation d’amoindrir les délais liés à la charge réglementaire.
Cependant, les délais réglementaires de traitement, censés être de 35 jours, sont rarement respectés - la hausse des demandes d’instruction n’a probablement pas été compensée par un renforcement des équipes.
Enfin, il existe un manque de connaissance et de nombreuses idées reçues. Par exemple, on entend souvent parler de l’impact environnemental des panneaux solaires “fabriqués en Chine”. Or, les avancées technologiques ont largement amélioré le bilan carbone de ces installations et leur recyclage est permis jusqu’à 94 % grâce à SOREN. Pour contrer ces préjugés, nous multiplions les actions de pédagogie et les concertations locales afin de sensibiliser et convaincre les parties prenantes.
I.E : Comment Ferme Solaire parvient-elle à équilibrer les attentes des propriétaires
fonciers et celles des développeurs de projets solaires ?
Hortense Foillard : Notre rôle consiste véritablement à identifier le potentiel de chaque projet, et non simplement celui de chaque terrain. Nous sommes une structure essentiellement digitalisée, néanmoins le pilier de notre stratégie est de mettre l’humain au centre des décisions. Cette vision nous permet d’adjoindre aux projets qui nous sont confiés l’un des degrés de personnalisation les plus élevés du marché. Nous nous efforçons de bien comprendre l’historique du site et des propriétaires. Ils nous soumettent d’abord leurs terrains via notre formulaire en ligne. Ensuite, au travers d’un entretien, nous recueillons un maximum d’informations pour comprendre le degré de maturité d’un projet. Nous veillons notamment à comprendre toutes les interactions, au sein de la propriété, avec le voisinage et les élus locaux. Il s’agit de dresser un portrait complet de ces informations, basées sur les récits des propriétaires afin de comprendre le degré de maturité du projet et apporter un maximum d’éléments de contexte.
Nous faisons également un important travail de pédagogie pour expliquer aux propriétaires ce qui les attend, notamment les loyers auxquels ils peuvent prétendre. Même si, à ce stade, nous ne négocions pas pour le compte des développeurs ni ne proposons de montants pour les baux emphytéotiques, nous tentons d’éviter la surenchère des loyers, source de décrédibilisation du secteur et mal perçue par les chambres d’agriculture. Il est essentiel de ne pas supplanter les revenus agricoles par ceux générés par les loyers des centrales photovoltaïques.
Dans un second temps, nous procédons à une pré-étude technique de faisabilité afin d’identifier le potentiel du terrain concerné et les enjeux - urbanistiques, environnementaux, patrimoniaux, etc.
Notre objectif est d’être le plus transparent possible, tant avec les propriétaires qu’avec les développeurs, et de proposer des projets en phase avec la réalité du site et le contexte politique.
I.E : Comment Ferme Solaire assure-t-elle la viabilité des projets de fermes solaires dès leurs premières étapes de développement ?
Hortense Foillard : En parallèle de notre positionnement historique d’apporteur d’affaires qualifiées, nous avons également entrepris le développement de petites centrales. Cette activité secondaire nous permet de maîtriser les considérations des développeurs lorsqu’ils décident de se lancer dans un projet. Nous possédons une véritable connaissance du potentiel des sites que nous proposons.
Notre approche ne se limite ainsi pas à “générer des leads”, les qualifier à travers notre outil cartographique et les relancer. Nous allons plus loin, avec une analyse approfondie que nous livrons aux développeurs. Cela leur permet de mieux évaluer les enjeux et de dé-risquer un projet dès ses premières étapes.
Nos équipes se rendent régulièrement sur le terrain pour rencontrer les parties prenantes locales, notamment les élus, afin d’identifier les enjeux territoriaux. Cette démarche nous permet, d’une part, de développer des projets en propre et, d’autre part, de maintenir un contact étroit avec les territoires concernés, garantissant ainsi une approche cohérente et bien informée.
I.E : Selon vous, le potentiel des terrains agricoles reste donc encore inexploité.
Hortense Foillard : Absolument. Le potentiel d’exploitation est extrêmement vaste. Néanmoins, notre objectif n’est pas de couvrir la France rurale de panneaux photovoltaïques, la priorité est donnée aux terrains dégradés désormais impropres à toute activité – anciens sites industriels, déchetteries ou carrières par exemple.
Concernant les terres agricoles, notre but n’est pas non plus de remplacer les exploitations par des installations solaires, mais de trouver une harmonie équilibrée entre agriculture et production d’énergie renouvelable. Cette production doit bénéficier à l’exploitation agricole, par exemple en créant de l’ombrage pour les animaux ou en réduisant le stress hydrique pour certaines cultures. Chaque projet doit être conçu globalement et ne peut s’appliquer à toutes les exploitations agricoles, certaines étant incompatibles avec les structures photovoltaïques.
Le potentiel est immense, mais il s’agit maintenant de sélectionner les projets les plus pertinents en termes de durabilité et de transition écologique.
I.E : Quels sont vos prochains défis ?
Hortense Foillard : Nos premières micro-centrales ont obtenu les déclarations préalables nécessaires et sont purgées de tout recours. Nous sondons désormais le marché afin de valoriser certains de ces projets. Nous envisageons également de développer de nouveaux services pour les développeurs, spécifiquement liés aux difficultés rencontrées lors du raccordement au réseau. Enfin, notre objectif est d’affiner constamment nos analyses et de croître de manière saine.
Nous mettons un point d’honneur à comprendre les enjeux locaux et à maintenir une relation étroite avec l’ensemble des acteurs concernés, ce qui nous permet d’anticiper et de résoudre les obstacles potentiels dès les premières étapes du projet, le dé-risquer, mais aussi d’assurer sa viabilité à long terme.