Les défis de notre époque imposent aux acteurs économiques de réagir sur base de solutions concrètes. Dans un contexte où le dérèglement climatique, la préservation de la biodiversité et la gestion des ressources en eau sont devenus des priorités, Oklima - filiale du groupe EDF - combine projets agricoles et forestiers pour contribuer efficacement à la séquestration du carbone et à la restauration des écosystèmes.
Informations Entreprise : Quelles sont les principales transformations observées dans les secteurs agricole et forestier en réponse aux défis du changement climatique ?
Thomas Bladier (Président et fondateur d’Oklima) : Les forêts subissent de plein fouet les effets du dérèglement climatique. Traditionnellement, les variétés d’arbre s’adaptent en se déplaçant vers des climats plus favorables, d’une génération sur l’autre.
Cependant, aujourd’hui, ces différentes essences d’arbres ‘ne courent pas assez vite’, si l’on peut dire. Les arbres ont besoin de l’aide humaine pour pouvoir migrer en suivant le mouvement du dérèglement climatique. Par ailleurs, la prolifération d’insectes, exacerbée par des hivers plus doux et des périodes chaudes prolongées, affaiblit les forêts déjà fragilisées. On estime qu’en France, 2,5 millions d’hectares de forêts nécessiteront une intervention humaine active dans les prochaines années pour s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques. Cela inclut la plantation d’essences plus résistantes aux climats arides et le renforcement de la diversité au sein des peuplements.
L’agriculture, quant à elle, est à la fois accusée de contribuer au réchauffement (20% des émissions de gaz à effet de serre en France) et perçue comme une potentielle solution. En augmentant légèrement le stockage de carbone dans les sols, on pourrait considérablement atténuer les impacts du changement climatique.
I.E : Quelles actions concrètes propose Oklima aux agriculteurs pour faciliter cette transition?
Thomas Bladier : En agriculture, la transition vers des pratiques plus durables est indispensable, mais elle est aussi très complexe. Les agriculteurs français et européens traversent actuellement des moments difficiles, et il est crucial que cette évolution des pratiques ne soit pas en décalage avec ce qui se fait déjà dans les exploitations.
C’est pourquoi nous prônons une approche personnalisée. Chaque exploitation doit pouvoir choisir, parmi un panel d’actions validées scientifiquement, celles qui conviennent à ses besoins spécifiques et à son projet agricole. Cette approche sur mesure, adaptée au terrain, est selon nous le meilleur moyen de mobiliser un grand nombre d’agriculteurs dans cette transition. Pour ce qui est de la forêt, l’anticipation est la clé. Étant donné que les forêts mettent du temps à se renouveler, il est crucial d’agir dès maintenant pour qu’elles soient prêtes à affronter les défis climatiques des prochaines décennies. Attendre rendrait leur adaptation bien plus difficile.
I.E : Comment mesurez-vous l’impact à long terme de vos projets sur la biodiversité et les communautés locales ?
Thomas Bladier : La séquestration du carbone est au cœur de nos projets, notamment par la création de nouvelles forêts sur des friches ou par la restauration de forêts dégradées, souvent victimes d’incendies ou d’attaques de ravageurs.
Il est difficile de mesurer l’impact sur la biodiversité et les communautés locales sur le long terme, mais il est essentiel d’agir rapidement afin de restaurer et de préserver la biodiversité qui s’effondre, tout en aidant les communautés locales à se développer durablement. Nous veillons à favoriser la biodiversité à travers plusieurs actions concrètes. La diversité des essences d’arbres est primordiale, mais nous travaillons aussi à minimiser l’impact des travaux sur les sols des forêts, à préserver les cours d’eau en évitant les plantations de résineux à proximité et à conserver des arbres anciens ou du bois mort, essentiels pour la faune locale. Nous introduisons aussi des essences fruitières et mellifères, comme le sorbier des oiseleurs, pour soutenir la faune et les insectes pollinisateurs.
Par ailleurs, nos projets cherchent à s’intégrer dans les écosystèmes existants. Par exemple, en Seine-Maritime, nous créons des boisements et des zones humides au sein de plaines agricoles, soutenant ainsi la biodiversité locale. Enfin, nous privilégions l’emploi de travailleurs et d’entreprises locales pour maximiser les retombées sociales de ces projets.
I.E : Comment évaluez-vous l’efficacité de vos financements sur la pérennité des plantations et la réduction des émissions de CO2 ?
Thomas Bladier : Dans le secteur forestier, nous apportons un financement crucial qui couvre une grande partie des coûts de plantation. Cela comprend non seulement les travaux et l’achat des plants, mais aussi la maîtrise d’œuvre et l’entretien des premières années, qui est un facteur déterminant pour la réussite des plantations. Parfois, ces financements incluent également des protections contre le gibier, telles que les chevreuils ou les lièvres, qui peuvent endommager les jeunes pousses. Ces mesures sont essentielles pour assurer la survie et la croissance des nouvelles forêts. Sans ces financements, ces projets ne pourraient tout simplement pas voir le jour.
Du côté agricole, nous finançons les actions en fonction de leur impact sur la réduction des émissions de CO2. Chaque agriculteur peut choisir les leviers les plus adaptés à son exploitation, ce qui permet une personnalisation et une optimisation des effets environnementaux, tout en garantissant une activité pérenne.
I.E : Comment assurez-vous la transparence des résultats de vos projets vis-à- vis des parties prenantes, notamment les entreprises qui les financent ?
Thomas Bladier : L’implication de l’État en France est essentielle pour garantir la qualité et la pertinence des projets environnementaux. Grâce à un cadre réglementaire solide, comme le Label Bas Carbone, les entreprises qui financent ces initiatives peuvent être assurées de la rigueur scientifique derrière chaque projet. En tant que filiale du groupe EDF, nous sommes profondément engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique. La raison d’être du groupe est de construire un avenir énergétiquement neutre en CO2, et c’est une obligation juridique contraignante.
Le label Bas Carbone, mis en place par l’État, certifie que nos projets ont un réel impact sur le climat, la biodiversité et l’environnement, tout en s’appuyant sur des études validées par des comités scientifiques dirigés par le ministère de la Transition écologique et l’ADEME. Chaque projet est minutieusement vérifié par les services de l’État en région. Ce partenariat entre régulation publique et initiatives privées crée un écosystème efficace pour la lutte contre le changement climatique.
I.E : Comment anticipez-vous l’impact des futures régulations européennes sur la mise en œuvre de vos projets environnementaux en France ?
Thomas Bladier : Il est essentiel de continuer à promouvoir des projets basés sur la nature, notamment en lien avec les filières agricoles et forestières, pour répondre aux défis croissants que rencontrent nos écosystèmes : le dérèglement climatique, la biodiversité et la gestion de l’eau.
Aujourd’hui, le sujet du climat est légèrement en avance, notamment grâce à la simplicité de la métrique liée à la tonne de CO2 et les méthodes permettant aux entreprises de mesurer leur empreinte carbone. Cela a stimulé l’émergence d’actions concrètes. La biodiversité, bien que plus complexe à mesurer, commence à suivre cette voie. L’avantage est qu’on peut démontrer des impacts visibles localement, contrairement aux projets climatiques où les effets sont plus globaux et moins tangibles. Je crois que les projets futurs intégreront de plus en plus ces trois dimensions.
Par ailleurs, les évolutions institutionnelles au niveau européen, notamment la mise en place d’un cadre commun de certification des puits de carbone, seront déterminantes pour harmoniser ces initiatives à travers l’Europe et influenceront inévitablement le marché.