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Les experts-comptables, de véritables artisans du changement


Dossier réalisé par Olivier Casado


Au cœur de la transformation numérique de nos entreprises.


Les grandes entreprises françaises ont très largement amorcé le virage de la digitalisation. Elles se sont dotées de candidats ayant les compétences pour opérer ce profond changement. Oui, mais qu’en est-il des plus petites structures, nos TPE et PME ? Leur meilleur allié dans ce tourbillon digital : leur expert-comptable. Rencontre avec la Présidente de l’Ordre des experts-comptables, Cécile de Saint-Michel.


L'OCDE dit que, comme beaucoup de professions, la vôtre est amenée à être quelque peu chamboulée par l’arrivée de l’IA. Qu’en pensez-vous ?


Cécile de Saint-Michel : Je pense que c’est loin d’être négatif, l’arrivée de l’IA va nous permettre d’automatiser beaucoup de tâches que l’on faisait de façon manuelle : la saisie comptable, le déclaratif aussi puisque nous passons beaucoup de temps à faire du déclaratif fiscal et social. Le fait d’automatiser ces tâches va nous permettre de dégager du temps et de pouvoir consacrer ce temps à d’autres missions qui seront plus profitables à nos clients. Cela apportera beaucoup plus de valeur ajoutée, nous serons plus proactifs dans l’accompagnement de nos clients, les TPE et PME.


IE : Ces professions amenées à être modifiées ont parfois quelques craintes et quelques résistances au changement ?


CDSM : Tout changement est compliqué pour l’être humain, même dans nos vies personnelles, l’être humain n’aime pas le changement. Nous adorons nos petites routines. Forcément quand on exerce un métier d’une certaine façon depuis des décennies et qu’on voit aussi arriver les nouvelles technologies comme l’IA, on sait qu’il faut qu’on change dans nos pratiques professionnelles, je dirais même nos habitudes professionnelles. C’est toujours perturbant, cela peut inquiéter et même être anxiogène. Nous avons réalisé des sondages OpinionWay dernièrement pour mesurer l’état d’esprit des professionnels par rapport à tous ces changements. Le résultat est clair : 70 % des experts-comptables nous ont répondu qu’ils considéraient que l’IA n’était pas une menace pour leur activité. Nous comprenons très bien que ce soit perturbant de changer ses habitudes, c’est la raison pour laquelle notre Ordre a mis en place des outils pour accompagner ces changements. Tous ces changements passent donc par de la formation. Sans formation, nous serons incapables de changer. Nous avons mis récemment en place un grand plan de formation, à hauteur de 4,5 millions d’euros. C’est le plus grand plan de formation que l’Ordre des comptables a jamais mis en place. Nous avons eu une subvention de 3 millions d’euros du Haut Commissariat, car comme vous l’avez dit en début d’entretien, nous sommes une des professions les plus impactées par ces nouvelles technologies. Nous avons déjà élaboré une vingtaine de parcours, nous souhaitons arriver à 50 parcours de formation à destination des collaborateurs des cabinets. Il faut donc que ces collaborateurs acquièrent de nouvelles compétences. Le pire serait qu’ils perdent leur employabilité. C’est de notre responsabilité en tant qu’employeurs. Notre congrès du mois d’octobre, à Marseille, ne porte que sur ces aspects-là. Nous sommes conscients que ces changements sont de véritables défis pour notre profession. Cela faisait très longtemps que nous n’avions pas connu de telles modifications. Il faut donc que l’on se forme et qu’on soit prêts. Nous serons, comme d’habitude, au rendez-vous et tout se passera très bien, j’en suis convaincue.


IE : Ne pensez-vous pas qu’il pourrait y avoir moins de candidats dans les années à venir pour la filière, comme pour les traducteurs, les juristes, etc.


CDSM : Oui, il pourrait y avoir moins de candidats. Les jeunes pourraient se dire que c’est un métier en perdition. C’est d’ailleurs parce qu’on sait que ce risque existe que nous avons décidé et voté, en Conseil national de l’Ordre, une résolution pour modifier les diplômes qui permettent d’accéder à la filière. Notamment, le DSCG, qui est le diplôme supérieur de comptabilité de gestion : une fois ce diplôme obtenu, on peut entrer en stage d’expertise comptable. C’est un bac+5. Nous avons donc voté dans ce fameux DSCG l’intégration de deux matières supplémentaires qui paraissent indispensables aujourd’hui : le numérique, tout ce qui est data, IA, etc. et également tout ce qui est durabilité. Ainsi, il n’y aura aucune raison que les jeunes ne viennent pas dans nos filières puisque nos métiers seront parfaitement adaptés à nos formations.

IE : En ce moment, on parle de la durabilité des entreprises, pouvez-vous nous en tracer les contours ?


CDSM : La durabilité, c’est tout ce qui est RSE, à savoir la responsabilité sociale des entreprises. Cela comprend l’impact sur l’environnement des activités des entreprises, les conditions de travail dans les entreprises, l’égalité de salaire entre hommes et femmes, l’inclusion des personnes en situation de handicap, etc. Quand on parle de durabilité, on ne parle pas que d’écologie, on ne parle pas que de verdissement de l’économie. Il y a aussi tout ce qui est sociétal. C’est un ensemble de données extra financières. C’est la première fois à l’Ordre que nous avons ouvert un pôle durabilité.


IE : Cela va finalement encore un peu plus vous rapprocher des TPE et des PME ?


CDSM : Oui, mais cela va même être plus que ça, nous allons être moteurs sur le verdissement de l’économie des TPE. Nous sommes le premier conseil des entrepreneurs, nous avons cette grande chance d’avoir la confiance absolue de nos clients.


IE : Avec la digitalisation des factures, par exemple, qu’est-ce qui va changer dans la vie de nos TPE et PME ?


CDSM : Ce qui va changer pour les TPE-PME, c’est que nous, experts- comptables, nous serons à la source de tout. Nous détiendrons les datas. C’est d’ailleurs ce que nous a dit le ministre Bruno Le Maire lors de notre dernière convention : « vous êtes assis sur une mine d’or ». Nous avons donc, avec les data des PMETPE, une richesse d’informations incroyable entre les mains. Demain, avec la facture électronique, nous aurons encore plus d’informations intéressantes. Plus nous aurons de datas en notre possession, mieux, nous accompagnerons nos clients dans la durabilité. C’est pour cela que nous sommes extrêmement moteurs dans la facture électronique et que l’Ordre des Experts-Comptables veut la mettre en place immédiatement, ne pas attendre les échéances que nous a fixées le gouvernement à 2026 et 2027.


IE : C’est vrai que ces aspects-là changent presque radicalement votre métier. Vous n’êtes plus là pour faire des bilans, vous êtes là pour impacter la vie de l’entreprise jusque dans les moindres recoins ?


CDSM : Exactement, mais moi, je suis expert-comptable pour ça, je me réjouis d’accompagner mes clients dans la gestion quotidienne de leur activité. Je ne suis pas expert-comptable pour remplir des déclarations de TVA. Ce qu’aiment nos collaborateurs, c’est justement l’accompagnement des chefs d’entreprise. Ce qui est exaltant, c’est d’être le conseiller quotidien de tous ces entrepreneurs.


IE : Ces nouvelles attributions de l’expert-comptable peuvent avoir une incidence sur la création de nouvelles entreprises en France. Bon nombre d’entrepreneurs en devenir ont parfois peur de la gestion administrative de tous ces aspects. C’est donc peut-être rassurant d’avoir ces fonctions élargies de l’expert-comptable à ses côtés ?


CDSM : Exactement et tout ça, c’est grâce à l’IA, au numérique, à la facture électronique. Aujourd’hui, nous savons faire tout cela, mais nous n’avons pas le temps de le faire. Moins nous aurons de missions rébarbatives et déclaratives, plus nous passerons de temps à accomplir ces tâches de conseil.


IE : Quels sont les grands enjeux des années à venir ?


CDSM : Le numérique et la durabilité sont les enjeux majeurs pour l’Ordre des experts-comptables et pour la profession. Clairement, ce sont ceux qui nous occupent le plus, car ce sont de vrais défis et un vrai tournant pour notre profession. Certes, nous avons vécu l’arrivée de l’informatique et l’arrivée de l’Internet, mais là, le défi est aussi de taille. Parce que dans « expert-comptable » il y a « comptabilité » et que ces nouveaux procédés affectent profondément la façon dont on fait de la comptabilité depuis des décennies. Automatiser la saisie comptable, cela fait 30 ans que je suis dans le métier, j’en ai toujours entendu parler. Et bien, c’est là, c’est maintenant.


IE : Je dois vous poser la question, l’Assemblée nationale et la politique en général vont changer dans notre pays, qu’attendez-vous de ce nouveau gouvernement ?


CDSM : Je n’ai jamais eu l’habitude de me mêler de la politique politicienne en tant que Présidente de l’Ordre des experts-comptables, je suis une citoyenne française, j’ai mon opinion, mais elle ne regarde que moi. Nous dépendons directement de Bercy. Ce que nous aimerions dans l’avenir, c’est qu’il continue de nous laisser avancer dans la mise en place de la facture électronique pour les TPE-PME. Qu’ils nous aident à avancer là-dessus, car nous avons besoin de certains moyens techniques pour le mettre en place rapidement. Nous ne sommes pas inquiets, les enjeux sur la facture électronique sont trop importants, il y a 25 milliards d’euros de TVA à récupérer. Je crois qu’en ce moment cela ferait le plus grand bien au budget de l’État. Il n’y a que des avantages pour les entreprises à adopter ce système de factures électroniques. Nous constatons dans les pays qui l’ont mise en place que les délais de règlements entre entreprises se sont considérablement améliorés. En tout état de cause, nous continuerons d’être, pendant ces changements, aux côtés de nos clients comme nous l’avons toujours été.

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