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Conception performante, récupération énergétique, limitation de l’artificialisation des sols : les défis s’accumulent dans le secteur du Datacenter. Imogis, expert de référence, combine innovation technique et coordination rigoureuse, offrant des solutions adaptées aux attentes des géants de la tech comme des nouveaux entrants.
Informations Entreprise : Quels sont, selon vous, les leviers prioritaires pour réduire les délais et répondre aux exigences croissantes de la tech ?
Philippe Robin (Directeur Général du Groupe Imogis) : Notre rôle s’étend de la conception à la réalisation des ouvrages nécessaires dans le secteur de la construction, avec une demande technologique en croissance fulgurante. Cependant, ni notre industrie ni nos clients — qu’il s’agisse d’investisseurs, de constructeurs ou d’exploitants — ne parviennent à suivre ce rythme. Plusieurs obstacles freinent cette adaptation. Les délais de construction sont considérables, les processus d’autorisation complexes, et la recherche de fonciers devient un défi de taille face à des projets toujours plus ambitieux. À cela s’ajoutent des besoins énergétiques colossaux, pour lesquels les infrastructures peinent à évoluer aussi rapidement.
De plus, la durabilité et la transition énergétique accentuent ces défis. Nous devons intégrer des solutions vertes, comme la récupération de chaleur fatale ou l’énergie photovoltaïque, tout en améliorant l’efficacité énergétique globale. Cela nécessite une transformation en profondeur de la chaîne de production.
I.E : Comment intégrez-vous ces nouvelles exigences liées à l’IA dans la conception et le développement de vos data centers ?
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Philippe Valentin : L’IA génère une demande croissante de puissance au mètre carré dans les datas, poussant à des conceptions plus performantes sans pour autant augmenter la taille des bâtiments. Nous devons ainsi repenser les techniques utilisées. Ce changement est directement lié aux besoins des utilisateurs finaux, notamment pour héberger des supercalculateurs dédiés à l’IA générative. Cette révolution technologique impacte fortement la conception et la réalisation des data centers, imposant des solutions toujours plus sophistiquées et adaptées à ces nouvelles exigences.
Pendant une décennie, notre industrie a été principalement orientée vers le cloud computing, avec des acteurs majeurs comme Microsoft Azure, Amazon Web Services et Google qui ont structuré la demande. Les bâtiments ont été conçus et construits pour répondre aux besoins spécifiques de ces plateformes.
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Cependant, depuis environ un an, nous observons un tournant significatif : la demande s’oriente désormais largement vers des usages liés à l’intelligence artificielle.
Cette évolution implique des adaptations majeures, car les infrastructures requises pour l’IA diffèrent de celles nécessaires au cloud computing traditionnel. Il s’agit d’une nouvelle phase dans notre secteur, marquée par des attentes technologiques accrues, qui redéfinissent les standards de conception et de construction. Ce changement reflète une transformation profonde des priorités des utilisateurs et de l’industrie.
I.E : Comment Imogis gère-t-elle l’adaptation à ces nouveaux profils de clients ?
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Philippe Robin : Notre cœur de métier repose sur la conception et l’accompagnement des travaux pour les projets de data centers. Nous réalisons notamment les conceptions des lots techniques essentiels, comme l’électricité et la climatisation, et assurons la coordination globale du design en intégrant des compétences de partenaires, telles que l’architecture ou la structure. Grâce à nos équipes BIM internes, nous garantissons que toutes les maquettes produites sont coordonnées, respectent les chartes spécifiques des clients et évitent des erreurs structurelles qui pourraient compromettre le fonctionnement du bâtiment.
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Face à la transition technologique, notamment avec l’essor de l’IA, nous adaptons nos designs pour intégrer des densités de puissance accrues et des systèmes de refroidissement plus performants. Cette évolution demande une montée en compétence pour garantir des conceptions précises, car un bon design est crucial pour la réussite du
chantier. Nous travaillons aujourd’hui avec deux types de clients : des opérateurs expérimentés qui ont des exigences précises, et de nouveaux acteurs, souvent non spécialistes, qui comptent sur nous pour des solutions complètes. Par ailleurs, les géants du cloud, comme Microsoft et AWS, tendent à développer des projets en propre, renforçant leur influence directe sur le marché.
I.E : En quoi le rapprochement entre Imogis et CC Ingénierie transforme-t-il votre capacité à répondre aux défis technologiques et opérationnels du marché ?
Philippe Robin : CC Ingénierie a toujours été le partenaire technique historique d’Imogis pour la conception, tandis qu’Imogis assurait la coordination générale des études et demeurait l’interlocuteur privilégié des clients. Avant le rachat, les deux entités collaboraient déjà de manière quotidienne et étroite, leurs équipes étant véritablement des collègues de travail. Ce rachat clarifie notre positionnement sur le marché. Les clients n’ont plus à s’interroger sur la relation entre deux sociétés distinctes, malgré des actionnaires communs. Désormais, nous sommes une seule et même entité, ce qui simplifie grandement notre image et nos échanges.
Cette fusion nous permet également d’améliorer nos performances économiques, notamment en optimisant nos investissements dans les ressources humaines, les outils techniques et les logiciels, ou encore en internalisant certaines études auparavant externalisées. Cette intégration renforce la synergie entre nos équipes, nous permettant de produire des résultats encore plus fiables, précis et performants, tout en soutenant le développement ambitieux d’Imogis.
I.E : Comment envisagez-vous l’intégration des datacenters dans des environnements urbains ?
Philippe Robin : Les datacenters de demain seront plus respectueux de l’environnement et intégrés dans une démarche durable. Leur empreinte carbone continuera à diminuer grâce à des solutions techniques avancées et à une transition vers des sites issus de la reconversion, limitant ainsi drastiquement l’artificialisation des sols. Cette tendance de fond s’intensifie et deviendra incontournable pour répondre aux enjeux environnementaux actuels.
Philippe Valentin : En parallèle, ces infrastructures viseront une meilleure maîtrise énergétique, avec des systèmes encore plus efficaces. Le principe même des datacenters, qui transforment l’électricité en chaleur, évoluera vers une récupération systématique de cette chaleur fatale, permettant de la réutiliser pour d’autres usages. Ce chemin vertueux s’appliquera aussi bien aux nouvelles constructions qu’à la rénovation des datacenters existants pour améliorer leurs performances.
Avec l’essor de l’IA, la demande pour des installations plus grandes et performantes s’accélère. Mais, à terme, il faudra également s’adapter à des modèles plus urbains et compacts, permettant notamment une meilleure intégration et récupération énergétique dans les zones denses. C’est une évolution majeure qui redéfinira le paysage des datacenters dans les années à venir.